Chanig ar Gall (1922-2012)
Chanig ar Gall (Jeanne-Marie Guillamet, née le 5 mai 1922 à Saint-Cadou-Sizun, disparue le 9 avril 2012 à Brest), pionnière avec son époux Charlez ar Gall (1921-2010) de la radio-télévision en langue bretonne, femme de lettres, de théâtre et de scène, elle fut l’une des grandes interprètes de la culture bretonne de ces cinquante dernières années.
Chanig ar Gall (Jeanne-Marie Guillamet, ganet d'ar 5 a viz Mae 1922 e Sant-Kadou-Sizun, aet d'an Anaon d'an 9 a viz Ebrel 2012 e Brest), bet gant he fried Charlez ar Gall (1921-2010) difraosterez ar brezhoneg ar skingomz hag ar skinwel, plac'h al Lizhiri, ar c'hoariva hag al leurenn, hennezh a zo bet unan deus brasañ c'hoarierien ar sevenadur brezhonezh e-kerzh an hanterkant vloaz tremenet.
Ci-contre : Chanig ar Gall photographiée le 25 août 1988 par son amie Giselle Morosoff-Ruytinx dans le jardin de la maison natale de Charlez à Mezouguen, L'Hôpital-Camfrout.
Amañ a-zehoù : Chanig ar Gall bet poltrejet en hanv 1988 gant he mignonez Giselle Morosoff-Ruytinx e-barzh jardrin ti genidik Charlez er Maezoù-Gwenn, en
Ospital.
Femme de médias
Née Jeanne-Marie Guillamet, elle était l’épouse de Charlez ar Gall, lui-même disparu en novembre 2010. D’une famille originaire de Telgruc-Argol, dans la presqu’île de Crozon, elle est née le 5 mai 1922 à Saint-Cadou, commune de Sizun.
Avec Charlez ar Gall, elle a été du temps de l'ORTF une pionnière de la radio et de la télévision en langue bretonne. Elle avait d’ailleurs appris le breton pour pouvoir participer aux premières émissions en breton aux côtés de son époux, tout d’abord sur Radio-Brest à partir de 1964, puis sur Télé-Bretagne lorsqu’a été créé Breiz o veva, le premier magazine en langue bretonne de la télévision en 1971.
Ganet e oa bet Jeanne-Marie Guillamet e Sant-Kadou Sizun d'ar 5 a viz mae 1922, med deuz Terrug-Argol e oa he zud. Dimezet e oa bet da Charlez ar Gall, bet êet eñ da anaon tost da zaou vloaz 'zo, e miz du 2010.
Gand he fried eo bet Chanig en amzer an ORTF unan euz ar re genta o kas an abadennou brezoneg war-raog er radio koulz hag en tele. Deski brezoneg he-doa greet end-eeun evid kemer perz enno hag evid kenlabourad gand he gwaz, da genta penn war Radio-Brest pa oa bet digoret eur studio kenta eno e 1964, ha goude ze war Tele-Breiz, adaleg 1971, pa oa bet savet ar henta gwir abadenn-dele e brezoneg dindan an ano Breiz o veva.
Femme de culture
Femme de lettres, de théâtre et de scène, Chanig ar Gall fut l’une des grandes interprètes de la culture bretonne de ces cinquante dernières années. Elle a contribué à la diffusion de la poésie et de la musique celtiques, en donnant pendant des années dans toute la Bretagne – et au-delà – des récitals de poésie en breton et en français, en compagnie de musiciens comme Guy Tudy, André Mahoux, An Triskell (les frères Quefféléant), Kristen Noguès, Yann-Fañch Kemener. Elle a elle-même publié une anthologie bilingue de la poésie de Pierre-Jakez Hélias sous le titre Lagad an tan - L'œil du feu. Elle a également rédigé de nombreux articles pour la revue en langue bretonne Brud Nevez.
Chanig ar Gall a participé à compter de 1974 à l'aventure de Teatr Penn ar bed, l'une des premières troupes de théâtre en langue bretonne, au sein de laquelle elle a été comédienne, notamment dans la pièce Gwragez (Femmes), création de Rémi Derrien en 1987. Avec une très belle qualité d'écriture, elle a fait paraître en 1992 ses souvenirs d'enfance à Argol, aussi émouvants que dramatiques, sous le titre L'Argolienne, récompensé par plusieurs prix littéraires.
Bet eo bet ive Chanig ar Gall plah al lennegez, ar c'hoariva hag al leurennou hag dre ze unan euz ar re o-deus greet ar muia evid bruda sevenadur Breiz e-pad eun hanter-kantved. Mond a ree euz an eil kêr d'eben dre Vreiz a-bez ha pelloh c'hoaz da ginnig skridou gwella barzed ar vro, e brezoneg hag e galleg, asamblez gand muzisianed evel Guy Tudy, André Mahoux, An Triskell (ar vreudeur Quefféléant), Kristen Noguès, Yann-Fañch Kemener. Embannet he-deus eun dibab euz barzonegou Per-Jakez Helias dindan an ano Lagad an tan - L'œil du feu. Forzig pennadou he-deus skrivet er gelaouenn Brud Nevez.
Pa 'z eo bet savet Teatr Penn ar Bed e 1974 gand Remi Derrien, he-deus kemeret perz dioustu e buhez ar strollad, prest atao da zikour ar re yaouank. Komedianez eo bet zoken, ha soñj a zo bet dalhet dreist-oll deuz ar perz a oa bet heh hini er pez-c'hoari Gwragez e 1987. Diskouezet he-deus a-hend-all pegen lemm ha pegen soutil e oa he fluenn p'he-deus kontet heh eñvorennou bugaleaj en Argol, ar re fentuz koulz hag ar re griz, en he leor L'Argolienne e 1992.
Femme de convictions
On ne saurait oublier qu'ayant elle-même été opérée d'un terrible cancer en 1969 et s'en étant remise, Chanig ar Gall a ensuite témoigné de son vécu dans le cadre de multiples réunions organisées par la Ligne nationale contre le Cancer pour informer les femmes de la possibilité de guérir du cancer du sein. Toute sa vie a été ensuite un témoignage et un combat en ce sens.
Chanig ar Gall était une personnalité d'une très grande sensibilité, d'une constante disponibilité et d'un réel dévouement. S'appuyant sur une connaissance intime de la littérature bretonne, tant de langue bretonne que de langue française, elle a su faire partager ses connaissances et ses intuitions avec beaucoup de finesse et justesse sur scène, dans le monde de l'audiovisuel et par l'écrit.
Chanig a été une femme de Bretagne et de son temps.
Ne heller ket ankounac'haad kennebeud e oa bet operet Chanig ar Gall deuz ar hrign-beo e 1969 : bet eo bet êet goude ze e-pad bloaveziou da gonta penaoz e oa bet deuet da barea, e-kerz ar bodadegou a veze aozet gand al Ligne nationale contre le Cancer, da sklêrijenna ar merhed war o stad. Eun testeni hag eun emgann eo bet he buhez goude ze war an dachenn-ze.
Chanig ar Gall a oa eur vaouez sañsibl ken-ha-ken, prest atao da renta servij ha da zikour ar re all. Eun anaoudegez don he-doa deuz al lennegez ha deuz ar varzoniez a-vremañ e Breiz, deuz an hini vrezoneg koulz ha deuz an hini halleg. He flijadur a oa lodenna gand ar re all kement a ouie : se he-deus greet war al leurennou, en abadennou radio ha tele, ha dre skrid kerkoulz all.
Bet eo bet Chanig eur vaouez deuz a Vreiz ha deuz heh amzer.
© Fañch Broudic / Dielloù Charlez ar Gall
Distinctions / Loreoù
- Décorée de l’Ordre de l’Hermine
Bet loreet anezhi gant Urzh an Erminig - Chevalier des Arts et des Lettres
Marc'hegez an Arzoù hag al Lizhiri Chevalier des Arts et des Lettres - Femme de lettres, de théâtre et de scène
Plac'h al Lizhiri, ar c'hoariva hag al leurenn - Pionnière de la radio-télévision en langue bretonne
Difraosterez ar brezhoneg er skingomz hag er skinwel
Cérémonie d'hommage à Chanig ar Gall
Plus de 200 personnes sont venues rendre hommage à Chanig ar Gall au Centre funéraire du Vern, à Brest, vendredi 13 avril 2012. Voici le programme de la cérémonie :
« Gortoz a ran »
par Denez Prigent
et Lisa Gerrard
Fañch Broudic
« Une femme de Bretagne
et de son temps »
Anne Auffret
et Muriel Chamard-Bois
« An Hader »
Andrea ar Gouilh et Michel Boédec
« Spered an tan »
de Per-Jakez Helias
Hervé et Pol Quefféléant
Patrick Audouin
« Gwerz an Anaon »
Marie Kermarec-Abjean
et Josseline Cevaër-Kerbonne
« Ar mor a bigno warhoaz »
de Charlez ar Gall
Hervé et Pol Quefféléant
Patrick Audouin
« Tristan hag Izold »
« Gwerz Kiev »
par Denez Prigent et Karen Matheson
Carrefours / Kejadennou
Aujourd’hui, jour de chance, je peux marcher, flâner, reprendre contact avec ma ville, sa matière vive, sa chair : les rues ; y redécouvrir l’air filtrant du goulet portant les relents d’une unique mer en friches, et, tout près, la silhouette immuable de l’échauguette du château, œil dévorant l’activité multiple de la Penfeld. J’ai pris plaisir à me mêler aux passants vêtus de parkas multicolores. Des couleurs aussi sur les visages. Tous les visages.
Ici, les sourires illuminent les faces de Togolais devisant en ewhé avec leurs “frères” frigorifiés sous leur boubou. Une Japonaise demande sa route dans un anglais francisé à l’accent safrané. Des Roumaines implorent avec leurs mots glacés de souvenirs et, là, des étudiants maghrébins devisent sur Arezki Metref peut-être, qui, dans le feu des désordres de son pays écrivait : “Tiennes seront ta parole et la colline des veuvages, peuple à la peau tannée de soleil et de colère”. Au marché, des Camerounais vendeurs de fruits séchés traduisent par leur regard l’ardeur de leurs paroles. Un Hindou venu du Rajasthan propose des bijoux de quat’sous et s’emploie à répéter une formule inscrite sur un carton : “ha, mond a ra ?” (alors, ça va bien ?). Rue de Siam, un gratteur de guitare, alerte séducteur au parler andalou, joue un air vaguement breton, le feu de sa langue rythmant la danse.
À l’hôpital où je termine ma promenade par hasard, le médecin corse est fier de son nom : “Natali, c’est Nedeleg en breton ?” dit-il. Et, dans le salle d’attente les gens passent... C’est une Vietnamienne, trotte-menu, pressée qui oublie ses “R”. Elle a pe(r)du sa ca(r)te vitale. Et c’est cet ancien officier somalien s’aidant de sa somptueuse canne de chef de tribu qui, accompagné de ses trois fils va, sans complexe pendant trois heures de conversation ininterrompue émaillée de rires, prouver certaine faculté d’adaptation au pays d’accueil.
Brest, ce jour-là, n’avait pas le ciel bas. Brest était simplement multicolore. Inoxydable alphabet de mots inconnus. Des mots de sable, de poivre, de craie, de soie : rues où les destinées se croisent dans le ruissellement des tempêtes, tempêtes de vent, de rage, de cœur pour exploser et s’ouvrir sur la parole.
Ici, au bout de la Terre
Entre la mer et le vent
Brest, c’est l’escale éternelle
Des pèlerins perdus du Monde
Où le corps-mort les attend.
An deiz all zo deut c’hoant din da vale e kêr evid dizolei he nerz-buhez, kig hag ene, sheverka tra en eur gêr : ar ruiou.
Dioustu on bet skoet gand an avel o c’hweza diouz tu ar mor, dre ar mulgul dreist gedig ar C’hastell o spia dibaouez mone-done ar bigi war ar Penfell. Plijadur am eus bet o vond e-touez an dremenidi gwisket gant dillajou lieseurt, tud kalz anezo a ziavêz Brest.
Amañ, paotred euz bro Togo, sklaset dindan o boubou, a ginnig e-ser marvaillad tokoù-plouz ha gourizoù. Tostig dezo, eur japonadez a gerz gand he hent, hanter halleg, hanter saozneg. Amañ, merhed Roumania a bed ahanoh, tristrig en eur yez digomprenuz evidon. Aze, studierien, paotred Kabylie, bodet evit komz euz Arezki Metref marteze ?...
Er hohu marhadourien kakaouet uhel an ton ganto, a huch laouen en o yez, goulou beo en o daoulagad... Eun Hindouad euz Kachzazkan a zistrip eul lañgaj mesket en eur “mond a ra ?” giz Breiz. War ar riblenn-straed eur h oarier gitar paotr faro ha drant anezan, a gan tan e yez en e zañsou.
’barz ar fin on digouezet en ospital, dre zigouez, eur bern tud du-ze o hedal beza sikouret... Lorhuz eo ar medisin gand e ano “Natali” Nedeleg e brezoneg emezañ ? ”Eur Vietnamiez a zired a gammedou bihan, o tijonjal an “R” : “J’ai pe(r)du ma ca(r)te vitale”. E-kichen, eun ofiser koz euz Somali harpet war e vaz-e-koad-priziuz-kizellet a gomz heb ehan e-pad teir eurvez gand e dri mab, en o yez dezo a vouez uhel, heb an disterra mez. Kement se a ziskouez penaoz emaint, gwir estrañjourien, en o bleud, pa vez digoret an noriou dezo.
Brest ne oa an deiz se, nemet eur mell leor liesyezeg, gand geriou flour, blaz an oranjez, an heol palmez, ar pebr, eur bale a vignoniez, emgleo tud fier gand spered ha yez o bro, ha doujañs ganto e keñver kêr Vrest.
Amañ e Penn-ar-Bed etre an avel hag ar mor ‘mañ Brest, porz-mor peurbaduz evid boudedeo ar Bed Eleh ma kav peoh ha goudor.
Chanig ar Gall
Hopala ! n°11, 2002